Simondon & le devenir : une éthique du bonheur transindividuel

Deviens qui tu es, telle était la maxime de Nietzsche. Rien n'est plus énigmatique que cet énoncé fondateur de ce qu'on pourrait appeler les philosophies du devenir depuis la doctrine du mobilisme universel d'Héraclite, au temps des Présocratiques.

Le concept de devenir a semble-t-il été escamoté par la tradition de pensée philosophique postérieure, marquée par le platonisme des Idées et le logos hylémorphique d'Aristote.

Pourtant, l'urgence de sauver les phénomènes que nous assigne la phénoménologie, depuis l'échec de la tentative systématique kantienne de se borner aux phénomènes qui demeurait rivée à un scepticisme des idées transcendantales, s'institue comme un nouvel impératif de la raison pratique contemporaine, qui se fonde sur les apports récents de la philosophie de l'individuation de G. Simondon.

L'idée n'est pas tant d'affirmer la nécessité d'une vision matérialiste du monde, qui justifierait la sphère de l'agir, que de montrer comment une vision de la transcendance peut se situer sur le plan d'immanence du monde, c'est à dire être dans le monde, et répondre à l'aspiration légitime aux fins de l'existence humaine et de la destinée individuelle : en somme, il s'agit de mettre au jour l'idée d'un bonheur transindividuel qui, inscrit dans le devenir et dans la substance de la matière, nous rend comme éternels...