Sweeney Todd, J.M. Rymer

James Malcolm Rymer

Éditions Callidor

  • Conseillé par
    12 décembre 2011

    Pour la première fois publié dans son intégralité en France, « Sweeney Todd » se révèle une plaisante découverte, malgré un rythme un peu inégal dû à l’effet « feuilletonesque » du roman.
    Il faut tout d’abord resituer cet ambitieux roman qui fut publié en 1850. Paru sous forme de feuilleton sur plusieurs mois, « Sweeney Todd » fut l’un des premiers précurseurs du roman noir mettant en scène un meurtrier abominable et amoral. Et force est de constater que ce récit fait froid dans le dos, malgré son écriture un peu datée. En effet, ce roman prouve qu’il n’est nul besoin selon moi, de longues descriptions horrifiques pour inspirer l’effroi chez le lecteur. Le roman se complait dans les non-dits, dans les allusions fugaces à des meurtres de sang-froid, et petit à petit le malaise nait chez le lecteur. Entre appréhension et épouvante, l’auteur nous mène habilement dans son récit, nous interpelle au détour d’un chapitre, pour mieux nous happer et nous faire partager toute l’horreur des événements. En ce sens, l’auteur se démontre entreprenant et astucieux, car la narration est intrigante et nous pousse vers son machiavélique dénouement.


    Pour autant, certains passages, voire certains chapitres entiers, viennent casser ce rythme et cette tension sous-jacente, par des scènes de la vie domestique qui n’apportent pas grand-chose à l’histoire. C’est là que l’on se souvient que le roman était à la base un feuilleton et qu’il fallait tenir le lecteur sur de longs mois. Peut-être était-ce également une volonté de l’auteur d’insister sur le caractère morbide et maléfique de Todd par rapport aux autres protagonistes ? Ou bien est-ce juste un des travers de l’époque, le roman datant tout de même du XIXème siècle ? Quoi qu’il en soit, je dirai que c’est le défaut majeur du roman. Bien que, le récit ne dépassant pas les 400 pages, je n’y vois rien de rébarbatif.
    En ce qui concerne les personnages, l’auteur nous oppose deux extrêmes. Avec Sweeney Todd et Mrs Lovett, c’est le côté sordide du Mal, avec tout ce qui caractérise des personnages antipathiques. En effet, Todd est aussi bien laid de l’intérieur que de l’extérieur, jusqu’à son rire qui fait fuir les gens, dans ce qu’il a de plus démoniaque. A l’opposé, il y a la jolie Johanna, ingénue et angélique, qui rêve de retrouver son amour perdu, mais aussi Tobias, le malheureux apprenti qui devra subir les fourberies et les tortures de son patron, Sweeney Todd. Certes Todd est répugnant et malveillant, mais c’est personnage abouti et on attend sa chute avec intérêt. A côté, la candide Johanna fait bien pâle figure, voire agace dans sa grandiloquence à retrouver son amour. Je dois dire qu’à la base, je ne suis pas fan de cette débauche de grands sentiments, du coup ce personnage m’a un peu exaspéré.


  • Une belle découverte :)

    Avant tout je tiens à m’arrêter sur l’objet livre en lui-même. La qualité de l’ouvrage est un vrai plaisir pour les doigts. Une couverture à la texture veloutée, sauf les taches de sang qui, elles, sont lisses et donc qui « accrochent » le doigt de passage. Je tenais à m’arrêter sur ce point, car c’est vraiment très agréable d’avoir un tel livre entre les mains.

    Maintenant que nous avons parlé du contenant, venons-en au contenu ! Le récit tourne autour d’une poignée de personnages dont on alterne les points de vue. Ainsi, nous pourrons suivre le déroulement de l’histoire au côté de Sweeney Todd, barbier hideux, cruel et décrit plus d’une fois comme démoniaque, ou bien de Johanna, une jeune fille douce et agréable qui recherche désespérément son amoureux. Nous accompagnerons également Tobias, l’apprenti de Sweeney Todd, qui a vu bien des horreurs. J’ai beaucoup apprécié Johanna et Tobias, qui sont vraiment agréables à suivre. On compatit sans mal à leurs nombreux malheurs. Par contre, vous l’aurez sans doute deviné, pas un seul moment je ne me suis apitoyée sur le sort de Sweney Todd qui n’est pas du tout un personnage sympathique.

    Et ce dès le début, puisque l’on rentre tout de suite dans le vif du sujet. Nul doute n’est permis au lecteur : il est lui-même témoin des agissements du barbier dès les premières pages. Heureusement, voire étonnamment pour un tel sujet, il n’y a pas de détails gores ce qui est très bien pour une âme sensible telle que moi. Mais j’avoue qu’à la fin, j’aurais tout de même aimé avoir un peu plus de détails sur ce qu’il se passait réellement. Je vous rassure, il n’y a pas d’ambiguïté sur ce qu’advenaient les victimes du barbier, mais à la fin, j’avais tout de même un petit goût de « pas assez », ce qui est très frustrant. Malgré cela j’ai pris grand plaisir dans cette lecture, à suivre l’enquête du colonel Jeffery et de Johanna et de les voir petit à petit se rapprocher du but.

    Enfin, pour ce qui est du style, j’ai trouvé le récit pas assez fluide au début. C’est sans doute dû au découpage originel en feuilletons, ce qui donne un rythme saccadé par moment, il n’y a pas de réelles transitions entre les chapitres. Ce petit désagrément s’est toutefois atténué au fil du récit.

    Pour conclure, c’est une lecture que je vous recommande vraiment. Moi-même je ne connaissais absolument rien de l’histoire et j’ai pris beaucoup de plaisir à la découvrir. L’intrigue est d’une horreur sans nom, mais elle est présentée avec beaucoup de retenue et de pudeur ce qui la rend intéressante et supportable.