"Oh..."

Philippe Djian

Gallimard

  • Conseillé par
    8 novembre 2012

    Oh… n’est pas exclamatif et pour déterminer sa portée, il faut attendre la dernière page de ce curieux roman. Curieux, oui, car il s’ouvre sur la narratrice, Michèle presque cinquantenaire qui vient de se faire violer mais ne se précipite pas sur son téléphone et ne prévient pas la police. Productrice de films, vivant seule dans sa maison depuis qu’elle s’est séparée de Richard son ancien mari. Ah Richard, dont Michèle écoute les plaintes sans cesse ponctuées d’un putain (à croire qu’il ne peut pas dire une phrase sans ce mot). Car Richard écrit des scénarios fades, insipides, sans originalité qu’il croit toujours excellents. D’où leurs rapports souvent conflictuels mais il garde un œil protecteur sur son ex-femme et a un bon fond malgré tout. D’ailleurs, c’est à lui dont elle parle en premier du viol. Leur fils de vingt-quatre ans sans travail fixe veut élever et reconnaître l’enfant que sa nouvelle amie attend et dont il n’est pas le père, la mère de Michèle s’amuse avec des jeunes hommes ( pour la plupart des gigolos qu'elle entretient). Fils et mère dépendent financièrement de Michèle. Heureusement, il y a Anna l’amie solide avec qui Michèle a monté sa boîte.

    Mais, il y a un hic, son mari Robert est l‘amant (collant) de Michèle. Sans compter un voisin très gentil Patrick dont Michèle jusqu’à peu ignorait le prénom. Mais depuis qu'un rôdeur a été vu dans le quartier, Patrick se montre un quelqu'un sur lequel on peut compter( collant aussi) car entre voisins il vaut mieux s’entraider, c’est bien connu. D’ailleurs, Michèle a un faible pour lui. Quand sa mère lui demande d’aller rendre visite au moins une fois à son père, elle refuse d’emblée. Un père emprisonné qui il y a trente ans a tué les soixante-dix enfants d’un club Mickey. La vie de Michèle et de sa mère a été ensuite un cauchemar sans nom. Pas très simple tout ça me direz-vous ? Ajoutez-y que Michèle flirte avec celui qui l’a agressée (dont on devine très facilement l'identité).

    Philippe Djian ne s’embarrasse pas d’écrire des jolies phrases. Non, il nous raconte les faits d’une façon presque sèche je sors. Je vais fumer une cigarette dehors. Une écriture basique comme comme dans un scénario. Phrases juxtaposées, lecteur bousculé et l’on passe d’une situation à une autre dans la vie de Michèle comme en temps réel. D'ailleurs, par son intermédiaire on fume beaucoup ( toutes les deux pages) et on boit beaucoup de gin tonic. On est dans le quotidien. Dans l'intime, les pensées, le travail ou la famille.

    Bizarrement, ce livre n' a pas a connu le jeté par dessus par l'épaule car il s'en dégage quelque chose d'assez hypnotique au final ( est-ce l'effet des phrases simples sujet verbe complément?). L'auteur nous livre le portrait d’une femme forte et libre qui défend ses bastions. Tellement forte qu'elle fait abstraction de ses problème en se jetant corps et âme dans son travail ( Wonder-Woman est de retour). Les hommes qui l’entourent ne lui arrivent pas à la cheville, elle mène la danse et n’a de compte à rendre à personne. Je suis totalement incapable de dire si j’ai aimé ou non mais j’ai été troublée. De là à relire cet auteur, il y a un fossé...